Auteur

Patricia Cortijo

Directrice conseil UTOPIES & Experte innovation durable

L’époque est aussi celle de la fin du syndrome « Not invented here », qui limitait le recours aux idées externes. L’entreprise mobilise aujourd’hui toutes les ressources de son écosystème (dans une logique gagnant-gagnant), en identifiant les acteurs capables de lui apporter l’expertise qu’elle n’a pas et de l’aider à concevoir les solutions qu’elle ne pourrait élaborer seule.

C’est la bonne nouvelle de ces temps de crise, qui redonnent du sens à l’innovation : l’innovation historiquement conçue en haut, par la R&D et le marketing pour redescendre ensuite vers les applications, est remplacée ou enrichie par une innovation ascendante, qui émerge de réseaux, d’échanges de savoirs, d’amateurs passionnés. En quelques années, les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont renversé le modèle de l’innovation. Une véritable infrastructure de la contribution se développe depuis plus de vingt ans via Internet, où il n’y a plus des producteurs d’un côté et des consommateurs de l’autre, mais toutes sortes de contributeurs. Bernard Stiegler disait il y a déjà plusieurs années, qu’un nouveau modèle industriel est en train d’apparaître, celui d’une économie de la contribution. Apparu dès les années 90 d’abord avec les logiciels gratuits, il s’est étendu à d’autres domaines avec les médias numériques. Wikipédia est un exemple frappant : quelles que soient les critiques que l’on peut en faire, Wikipédia a conçu un système d’intelligence collective en réseau auquel contribuent des millions de gens. » Ces contributeurs fonctionnent comme les abeilles, qui produisent du miel mais dont la valeur tient surtout à leur fonction de pollinisation, qui contribue à la reproduction des végétaux, à l’alimentation des animaux et à notre propre survie.

L’innovation ouverte est particulièrement pertinente sur les questions de développement durable, où la consultation et l’implication des parties prenantes sont centrales dans la définition et la mise en œuvre d’une stratégie. Ainsi quand la consultation des parties prenantes rencontre l’open-innovation, cela donne une tendance phare de l’innovation durable :

la sollicitation et l’implication croissantes dans les démarches d’innovation des parties prenantes de l’entreprise – en tête desquelles les fournisseurs, les clients (voir par exemple le site Internet Mystarbucksidea.com lancé par Starbucks) mais aussi, pourquoi pas, des start-ups ou d’autres acteurs de la société civile (ONG, etc.), qui connaissent mieux, ou sous un autre angle, les enjeux sociaux et environnementaux qu’il s’agit de résoudre. Collaboration avec de jeunes entreprises innovantes, développement de fonds d’investissement « verts » ou « responsables » co-innovation avec les fournisseurs : les entreprises rivalisent d’initiatives pour solliciter ces contributeurs externes et ainsi enrichir leurs propres réflexions.

Cette approche part aussi de l’idée que plus les entreprises grossissent, moins elles sont performantes en termes d’innovation : pour faire jaillir à nouveau l’étincelle de l’innovation, rien de tel que de « brancher » ses équipes sur l’anticipation des besoins sociétaux, plutôt que de tenter de créer artificiellement des besoins qui n’existent pas chez les consommateurs. De ce point de vue, les collaborations externes obligent de manière vertueuse les équipes à rompre avec les processus connus et maîtrisés pour s’aventurer aux marges de l’organisation – plus propices à la création de solutions innovantes. C’est pourquoi Danone co-organise avec Utopies depuis plusieurs années le programme Noé d’innovation durable, rassemblant sur trois jours des « Danoners », d’autres entreprises et divers intervenants pour apprendre à inventer les marques et les modèles de demain et « booster les projets en cours ». Il en résulte la fertilisation croisée des idées, l’émulation et l’ouverture pour les équipes internes…